Avec l’avènement de la société de consommation, les marques françaises rivalisent de couleurs vives, de slogans aguicheurs et de packagings ostentatoires pour attirer l’attention sur les étals des épiceries – à peine remises d’avoir été transformées en magasins d’alimentation générale et déjà abasourdies de voir le vrac de leurs têtes de gondole acculé par des produits préemballés.
Après les privations de la guerre, les marques promettent au consommateur une vaste diversité de biens disponibles en abondance. Aux industriels, elles ouvrent les frontières régionales et offrent l’opportunité d’un rayonnement national.
Née au-dessus d’une épicerie familiale, Marie Anne Grelier a connu l’effervescence d’un lieu de rencontre – où l’on moulait le café, distribuait des graines au détail, servait le vin au verre et le vendait au litre – et la naissance agitée d’une nouvelle consommation promue à grands coups de réclames peintes sur les voies de circulation, imprimées dans les périodiques ou animées par les improbables caravanes du tour de France.
Au début des années 1960, le comptoir en bois ciré est remplacé par une caisse en Formica et les produits industriels envahissent les gondoles.
Dans les années 1970, le consommateur s’en remet à la réclame plutôt qu’aux conseils de son commerçant. L’épicerie est devenue une supérette, le client se sert lui-même.
Le long des routes, les publicités éphémères s’installent dans du mobilier urbain promotionnel et les peintures délaissées s’estompent au fur et à mesure qu’elles deviennent les palimpsestes d’une époque révolue.
Depuis plus de cinquante ans, Marie Anne Grelier conserve les rebuts des réclames démodées qu’elle marie aux krafts et aux toiles du temps du vrac.